• Dictée de Sainte Thérèse de Lisieux -Les Cahiers de 1945 à 1950, 2 février 1946

    Qui était Sainte-Thérèse de Lisieux ? | Authentic Normandy ...

     

     

    Dictée de Sainte Thérèse de Lisieux

    Depuis quarante-huit heures j’ai auprès de moi la présence de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, tout à la fois humaine et glorieuse parce que rayonnante, posée sur de petits nuages lumineux, mais telle qu’elle m’est apparue dans le couvent de Lisieux. Elle ne tient pas le crucifix. Mais elle porte son manteau blanc sur son habit marron. Je ne vois pas sa main gauche, cachée par le manteau. En revanche, je vois la main droite, très belle, qui sort jusqu’à l’avant-bras de son manteau légèrement repoussé en arrière ; elle tient une rose entre les doigts. C’est une rose magnifique d’un jaune doré ravissant, l’une de ces roses un peu effeuillées que l’on dit hybrides, me semble-t-il, avec des pétales froncés, sans épine sur la tige d’un vert-rouge foncé, avec des feuilles vert sombre, luisantes, pâteuses, comme en cire. Je ne connais pas leur nom botanique. Elle la tient légèrement entre le pouce et l’index, la corolle tournée vers la terre, le bras tendu vers le bas, comme si elle était sur le point de la laisser tomber. Je lui dis : « Laisse-la tomber ! Une rose pour moi !…» elle sourit sans rien dire ; c’est un sourire joyeux, fin, encourageant. Puis elle me fait signe qu’elle veut parler. [...]

    La petite Thérèse s’adresse finalement à moi :

    « Il s’agit là des appesantissements de l’amour. Ils se produisent très facilement. C’est un obstacle. Il faut en rechercher l’origine dans les ruses du démon, qui s’appuie sur

    -          des scrupules faciles,

    -          sur les peurs,

    -          et même sur le désir désordonné d’être bon, pour empêcher en réalité les âmes de l’être, de le devenir grâce aux moyens de Dieu, tant ordinaires qu’extraordinaires.

    Un tel désir désordonné, ce peut être celui de vouloir agir avec empressement, par des moyens choisis par nous, et dans la peur de ne pas savoir comment faire. Mais qu’on laisse cela aux pauvres hommes du monde qui ne connaissent pas l’infinie bonté, la patience et la bienveillance de Dieu et du temps que Dieu accorde à ceux qui lui font confiance pour tout bien accomplir. Pourquoi craindre puisque nous avons affaire à un Père ? Pourquoi dire : “Vite, vite, sinon je n’y arriverai pas”, si nous savons que le temps, étant au service de Dieu, ne peut se refuser à être comme il le veut pour chaque vie ? Pourquoi vouloir déclarer : “Je veux me sanctifier par tel moyen, par telle pratique, parce que je n’y arrive pas ici ou là”, quand nous avons un Maître qui sait comment et en quoi nous devons nous sanctifier et y pourvoit par des moyens que la personne ne saurait imaginer ? Non. Ce n’est pas ainsi qu’il faut agir.

     

    S’il est déjà facile de tomber dans ces erreurs pour les catholiques qui vivent dans le monde, ce l’est encore davantage dans les monastères. Les âmes y sont aussi nombreuses que les moyens et les modes de sanctification. Un unique canevas ne saurait suffire à toutes de la même manière. Puisque l’âme a épousé le Dieu libre, elle doit l’être, elle aussi. L’âme doit être une “épouse”, puisqu’elle est épousée. Une femme ne se marie pas quand elle est encore dans les langes, mais lorsqu’elle est en mesure d’accomplir toute seule au moins l’indispensable pour son mari et la maison, n’est-ce pas ? Oh, il n’est guère aisé de se sanctifier dans les monastères. Se sauver l’est encore. Mais suivre la voie du Christ, une voie dorée mais semée de chausse-trappes, rouge de sang et baignée de larmes, ce n’est pas facile. C’est pourtant la voie de la sainteté.

    Ma petite sœur, dis à mes consœurs d’avoir une piété et une obéissance bien larges, libres. Elles ne sont pas esclaves, mais “épouses”. Les épouses ne sont pas assujetties à une soumission servile. Cela, c’est bon pour les inférieurs. Les reines-épouses ont le droit et le devoir de savoir comprendre et mettre en pratique les voix et les paroles prononcées par leur Époux et Roi dans cette chambre nuptiale qu’est l’âme, avant toute autre voix. Le livre d’Esther décrit comment elle a comparu dans l’atrium intérieur en présence du roi, bien qu’elle sache qu’y paraître sans convocation signifiait la “mort”. Mais comme elle avait compris que Dieu était présent dans la prière de Mardochée, elle revêtit les vêtements royaux et se présenta dans l’atrium intérieur devant le roi assis sur son trône. Or cette épouse humble et pourtant royale plut au roi, qui lui tendit le sceptre pour la sacrer à la face du monde, et elle lui fut si chère qu’il lui promit d’exaucer chacune de ses prières. Esther, qui était épouse malgré son jeune âge, sut faire preuve d’une volonté soumise, et cependant libre et large. Qu’elles ne tombent pas dans les pièges honteux du démon, qui leur crée des scrupules pour mieux les enchaîner.

    Oh ! j’étais “la dernière” à Lisieux ; la grande prieure était bien puissante, et sa petite “cour” lui était bien fidèle ! Mais l’air des âmes et pour les âmes était bien stagnant, la lumière bien grise, l’espace très réduit lorsque j’y suis entrée ! Cela ne permettait pas la renaissance des âmes sous la forme de séraphins ! J’ai osé y mettre de l’air, de la lumière, de l’espace, moi, la “petite”. Ce n’était pas par orgueil : j’ai souffert de devoir le faire. Mais je voulais transformer mon âme en un séraphin aux ailes d’or. Sinon, il aurait été inutile de me rendre prisonnière…! Je voulais que mon âme devienne “la forte”. Pour mon corps, la tubercu­lose fut mon moyen d’avancer vers l’Amour. Mais pas pour mon âme, non. Et, poussée par l’amour – qui est le but de toute vie chrétienne –, j’ai voulu pour toutes ce que je voulais pour moi : de l’air, de la lumière, de l’espace pour les ailes des séraphins de la terre, et pour le monastère. J’étais “l’enfant terrible” qui disait la vérité, qui voulait la vérité. La vérité, c’est une dévotion aérée, alors qu’une piété bâtie sur des scrupules n’a rien à voir avec la vérité. Je semblais d’une étrange étoffe. Mais comme je plaisais au Seigneur, ceux qui sont sauvés marchent aujourd’hui sur ma petite voie – que l’on prenait à l’époque pour de la légèreté de petit enfant –, parce qu’ils se rendent “semblables aux petits enfants à qui le royaume des cieux appartient”.

    Viens, ma petite sœur, chantons notre Magnificat, nous dont Dieu a vu la “petitesse”; c’est pourquoi il nous “a prises sur son sein, comme le fait une mère, et nous a donné un nom meilleur que des fils et des filles, un nom éternel qui jamais ne sera effacé.”»

    Lumineuse au point de produire en moi un sentiment d’extase, elle sourit…

     

    Les Cahiers de 1945 à 1950, 2 février 1946

     

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